Le 30 avril dernier, j’ai pris le départ de ma première course en solitaire : la Pornichet Select. Organisée par Loire-Atlantique Course au Large (LACL), la Pornichet Select propose un parcours de 300MN (±600km) entre Les Sables-d’Olonne et l’Île de Groix.

Cette première en solitaire est une étape importante dans mon apprentissage de la course au large et je suis naturellement partagé entre la peur et l’excitation à l’approche du départ. Nous sommes 90 bateaux sur la ligne de départ et le vent souffle à près de 20nds dans la baie du Pouliguen.
Je décide de jouer la sécurité et de passer la ligne de départ en seconde ligne, afin de limiter les risques de collision. Une décision visiblement sage, puisque j’entends à la VHF plusieurs réclamations pour divers refus de priorité et collisions. 2 bateaux sont même obligés d’abandonner.
Arrivé à la bouée de dégagement et au dog-leg, j’envoie mon Spi Max et je remonte une dizaine de bateaux à la sortie de la baie du Pouliguen et je fais cap vers le phare des Birvideaux. À l’Est d’Hoedic, le vent tombe et le classement est chamboulé. Les bateaux sont à l’arrêt, dérivent et avancent au gré des veines de courant.
J’arrive Ă m’échapper de la bulle d’air et Ă distancer le groupe de bateaux dans lequel j’étais et Ă rejoindre le groupe devant moi, malheureusement cela est de courte durĂ©e et je perds de nombreuses places lors de ma descente vers l’Île d’Yeu et Les Sables-d’Olonne. Pendant la nuit, le vent monte et tourne vers la droite (de NE vers SE) et je fais un mauvais choix de voile. Je suis encore une fois trop gourmand et je dĂ©cide d’affaler mon Spi Max pour envoyer mon Code 5, au lieu de mon Gennaker. RĂ©sultat, j’ai du mal Ă tenir le bateau et je suis obligĂ© d’abattre. Je me retrouve très au Sud de la flotte et la rotation de vent me fait perdre beaucoup de places au petit matin du dimanche 1er mai.Â
Je me retrouve une nouvelle fois coincé dans la pétole au Sud de l’Île d’Yeu. Et pour ne rien arranger, je suis maintenant au près. Je dois tirer des bords dans 2-3 nds de vent avec un courant et une houle de face. Je mets plus de 10h à atteindre la cardinale Sud les Nouch à la sortie du port des Sables-d’Olonne. Cette journée est très éprouvante pour le moral, je croise tous les concurrents à contresens, au portant et je réalise à ce moment-là que je suis dans les 5 derniers et que la course est terminée pour moi. Les premiers et le milieu de la flotte sont déjà bien trop loin maintenant. Et comme les galères n’arrivent jamais seules, j’ai percé mon bidon d’eau au début de la course, je n’ai plus que 3L d’eau pour terminer la course. Je dois me rationner alors que je suis en plein soleil et sans vent. J’ai le sentiment de traverser le désert alors que je suis entouré d’eau. C’est une épreuve vraiment difficile moralement, mais je suis encouragé par les concurrents qui me croisent. C’est aussi ça la philosophie de la Classe Mini : se soutenir les uns les autres, même si l’on est concurrents.
Je passe finalement la bouée vers 17h, grâce au vent thermique et à sa bascule à l’Ouest. Malheureusement, cela annonce pour moi une remontée vers l’Île de Groix au près.
Alors que les autres concurrents proches de moi tirent des bords pour remonter vers le Nord, je mise sur une bascule de vent importante pendant la nuit. Le vent thermique d’Ouest doit s’estomper pendant la nuit et le vent synoptique d’Est / Nord-Est devrait reprendre sa place. À ce moment-là , je suis avant-dernier de la course, je n’ai donc plus rien à perdre et je prends un pari un peu fou : je fais un cap plein Ouest pour rejoindre Groix d’un seul bord. Et ça fonctionne !
Après cette journée difficile, le moral revient dans la nuit. L’option Ouest paie et je vis la plus incroyable des expériences de ma vie.
Alors que navigue sous un ciel étoilé magnifique, je suis rejoint par un groupe d’une quinzaine de dauphins qui viennent jouer avec mon bateau. Et pour parfaire le tableau, les dauphins sont illuminés grâce au phytoplancton bioluminescent. Je suis comme entouré de patronus dans Harry Potter. Je suis émerveillé et extrêmement ému par ce tableau offert par la nature. En un instant, toute la frustration et les galères de la journée sont oubliées pour ne vivre que cet instant magique.
Mais cette expérience ne s’arrête pas là , le groupe de dauphins ne me lâche pas ; ils continuent à me suivre comme s’ils attendaient quelque chose de moi. Je vais pourtant rapidement comprendre qu’ils n’attendent rien de moi. Je les observe et je commence à jouer avec eux en imitant leurs déplacements avec des petits coups de barre. Mon bateau se met à surfer et accélérer. C’est le déclic ! Ils sont en train de m’apprendre comment prendre de la vitesse et bien mener mon bateau. Pendant 1h30, ils m’accompagnent et me donnent une leçon comme si j’étais un jeune membre du groupe. Une fois la leçon terminée, ils s’éloignent et me laissent poursuivre ma route. C’est incroyable. Je suis encore extrêmement ému à l’écriture de ces lignes.
Grâce à cette rencontre avec les dauphins, je suis reboosté à fond et je commence à comprendre comment mieux mener mon bateau. Je reviens sur le groupe devant moi et double une vingtaine de concurrents. Je donne tout sur cette dernière journée et je me donne pour objectif d’arriver avant lundi minuit. Objectif atteint, puisque j’arrive à 23h40 après un long sprint final bord à bord avec Martin (870) du pôle de la Turballe que je double à moins de 3MN de l’arrivée.
Je termine 15/21 au classement proto et 68/90 au classement général. Cette première course en solitaire fut très enrichissante et m’a aidé à progresser. Merci à l’organisation et aux dauphins pour leur belle leçon. Je ne les remercierai jamais assez.
Découvrez mon journal de bord vidéo de la Pornichet Select :
Prochaines courses :
- La duonoctembule du 7 au 8 mai, organisée par la Société des Régates Turballaises (SRT), une course d’environ 100MN en double
- La Mini Fastnet du 12 au 18 juin, 600MN en double entre Douarnenez et le phare du Fastnet au sud de l’Irlande.