Devenir un pionier de l’upcycling dans l’industrie navale
La construction navale a une empreinte environnementale certaine : utilisation de fibres synthétiques (carbone ou verre), ainsi que de résines chimiques le tout chauffé à haute température pour un coût énergétique important. On estime d’ailleurs que 80% de l’impact environnemental d’un navire est lié à sa construction. Face à ce constat, prolonger la durée de vie et les usages des navires est un enjeu majeur pour rendre cette activité plus respectueuse de l’environnement.
Mon objectif est d’expérimenter l’upcycling (surcyclage) d’un bateau et de concevoir des process techniquement et économiquement viables permettant l’émergence d’une filière dédiée à la rénovation et l’optimisation de bateaux de course et de plaisance.
La course au large, territoire d’innovation
La course au large est un sport mécanique qui place la recherche de performance au coeur de ses préoccupations. Il n’est pas rare que des innovations soient testées dans ce milieu avant d’être démocratisées. Malheureusement, cette recherche de performances pousse souvent les skippers et les sponsors à la construction de nouveaux bateaux pour rester au top, causant une obsolescence prématurée des navires.
Conscients de ces problèmes et sensibles aux enjeux environnementaux, skippers et chantiers cherchent des solutions pour réduire l’impact écologique de la course au large : matériaux biosourcés, résines recyclables, énergies renouvelables… Pourtant les spécialistes le répètent : le meilleur déchet est celui que l’on ne créé pas et le recyclage ne doit être que la dernière option car c’est une opération qui consomme des ressources. C’est l’un des fondements de l’écologie avec la règle des « 4R » : Refuser, Réduire, Réutiliser et Recycler.
Par mon projet, je souhaite démontrer qu’une alternative à la construction de bateaux neufs est possible. Mieux encore, je veux prouver qu’un vieux bateau peut égaler les performances des bateaux de dernière génération pour un coût économique et environnemental bien inférieur à celui de la construction d’un bateau neuf.

Un mini bateau pour un maxi projet
Pour aller au bout de l’expérience et tester mon projet dans des conditions réelles, je projette de participer à la prochaine édition de la mini transat : une course transatlantique à la voile en solitaire, sans assistance ni moyen de communication sur un bateau de 6m50.
Depuis toujours, la Classe Mini est en avance sur son temps et offre une jauge peu contraignante, ouvrant la voie Ă de nombreuses expĂ©rimentations. C’est ici que l’on a vu Ă©merger de nouvelles formes de carènes en scow, dessinĂ©es par l’architecte David Raison.
Si je réussis mon pari, j’espère ouvrir la voie à une pratique sportive plus vertueuse pour l’environnement et plus accessible.

Un projet [éco]responsable et fédérateur
Je prends le parti d’acheter le mini n°727, un bateau qui n’a fait qu’une transatlantique en 2009 ; entre La Rochelle et Bahia (Brésil). C’est un bateau qui ne demande qu’à naviguer et faire ses preuves sur l’eau. Il est bien construit, mais il est complexe à faire marcher et physiquement engageant. Il a été conçu sur le modèle d’un IMOCA, les célèbres bateaux du Vendée Globe.
C’est le bateau parfait pour mon projet ! Grâce à lui, je peux m’engager dans une démarche à 100% responsable, qui va bien au-delà du simple aspect écologique :
- Écologiquement : je sauve de la destruction un bateau et je prolonge sa vie sur le circuit Mini 650.
- Humainement : je suis accompagné par des architectes navals, des chantiers et des marins plus expérimentés du territoire. Mon objectif est de fédérer les acteurs de la région et créer de nouvelles synergies.
- Techniquement : ce vieux bateau est le cobaye parfait pour expĂ©rimenter l’upcycling. Il faut refaire des plans 3D de coque, redessiner l’étrave et la forme de carène, modifier le système de safrans, amĂ©liorer la quille tĂ©lescopique… le tout en veillant Ă utiliser le moins de ressources possible pour limiter les coĂ»ts et le poids.
- Financièrement : le budget pour l’achat du bateau et les différents travaux d’amélioration est estimé à 70.000€. À titre de comparaison un prototype de dernière génération coûte aujourd’hui 350.000€ et un bateau de série 130.000€. Ce type d’opération peut ainsi contribuer à rendre la course au large plus accessible.
- Sportivement : la Classe Mini met en place des quotas pour les bateaux prototypes. Je maximise donc mes chances d’être qualifié et de prendre le départ de la mini transat en 2023 pour montrer la viabilité de l’uplycling.

Les étapes clés du projet
1 : Prise en main du bateau – Janvier Ă juin 2022
La première étape du projet consiste à naviguer et prendre en main le bateau afin d’identifier les points d’amélioration. Je rejoins au début de l’année 2022 le pôle course au large de La Turballe pour commencer ma formation et les entrainements à bord. Les premières navigations confirment la complexité du bateau. En avril, je démarre ma première saison de course au large avec la volonté de me comparer aux autres concurrents afin d’avoir un référentiel de performances.
Mes premières courses confirment le gap important entre les bateaux à nez rond (scow) de dernière génération et les nez pointus. J’assiste à l’obsolescence massive des vieux bateaux.
2 : Phase d’études – Juillet Ă aout 2022
Avant de démarrer la phase d’étude, je dois réaliser une modélisation 3D de la coque en photogrammétrie, afin de recréer des plans du bateau. Le bateau étant un prototype ancien, les plans ont été perdus ou détruits.
Pour la suite, je suis accompagné par plusieurs bureaux d’études et cabinet d’architecture navale qui ont manifesté leur intérêt. Ils réaliseront les différentes études, plans et échantillonnages pour les travaux.
3 : mise en Chantier – septembre Ă decembre 2022
Le début du chantier est prévu en septembre 2022. La durée et la nature des travaux déprendront des études réalisées et du coût de ces travaux. Mais une chose est sûre, le bateau va renaitre avec : un nouveau système de quille télescopique, une étrave élargie et un nouveau mécanisme de direction.
4 : Preuve du concept – Janvier Ă novembre 2023
Fin 2022, début 2023, le bateau est remis à l’eau. Je profite de l’hiver pour m’entrainer et tester les modifications. Au printemps je finalise mes courses qualificatives en vue de participer à la mini transat 2023. Mon objectif est de démontrer l’efficacité et la pertinence du chantier d’upcycling.
Skipper et entrepreneur engagé
Passionné de voile depuis l’enfance, j’ai tiré mes premiers bords à l’âge de 8 ans lors d’un stage d’été à la base nautique municipale de Nantes. Ce stage a confirmé ma passion et convaincu mes parents de m’inscrire à une école de voile. J’ai n’ai ensuite jamais cessé de naviguer.
A l’âge adulte je me focalise sur ma vie professionnelle. Après plusieurs expériences en agence de communication, puis chez l’annonceur, je crée mon studio de production Ohé! En 2020, je développe et crée Pixilive, une application métier pour les photographes événementiels. Objectif : aider les professionnels dans leur nécessaire digitalisation.
Aujourd’hui, je souhaite m’engager dans un projet plus personnel : changer les mentalités dans l’univers de la course au large et de la plaisance. Les bateaux à nez rond (scow) disruptent le marché et poussent les chantiers ou skippers à construire de nouveaux bateaux dans cette tendance. Résultat des milliers de bateaux, encore fonctionnels et compétitifs vont être abandonnés ou détruits pour gagner quelques noeuds. Cela n’est plus acceptable et il est de notre responsabilité de trouver des alternatives plus vertueuses pour l’environnement afin de poursuivre la pratique de notre activité.
